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L’Angélique et l’Hypnotique

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  Exils # 26 (20/03/2024) Pour Catherine presque Portinari L’Eucharistie inversant, cannibalisme adjacent, le cinéma désincarne le monde, le réduit à un (im)pur esprit. Parmi la forêt des films, pétrifiée, néanmoins animée, mobilis de l’immobilité, Nemo KO, jadis suites d’images pelliculées pas si sages, désormais fichiers de données numérisées, plus rien ne prend corps, ne (se) sent encore, y compris au creux des trois imageries, des belles âmes bien sûr honnies, de l’horreur, du mélodrame et de la pornographie, cependant censées carburer au sang, à la sueur, au sperme et aux larmes. Entre apparence de résistance au virtuel à la pelle, au simulacre matraque, et gadgets obsolètes, Odorama et tout le tralala, le ciné se bouche le nez, assume sa sinusite chronique, tant pis pour la poignée d’Italiens un brin malsains portés sur la coprophilie, revoyez vite avant de mourir, de vomir, les cadavres excrémentiels et exquis de Ferreri ( La Grande Bouffe , 1973) & Pasolini ( Salò ou

La Micheline (tré)passe

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  Exils # 25 (08/03/2024) Que voit-elle, dans son miroir à elle, Micheline Presle ? Une femme élégante et souriante, à la beauté décolorée, semblable à des centaines, après, avant, par exemple, celle de sa vraie-fausse rivale, publique et privée, Michèle Morgan ? Une image pas si sage, même issue d’un autre âge, d’un autre régime d’images, de ramages, de paysages et de personnages ? Comme le clamait le docte Cocteau, l’accessoire narcissique, parfois flaque, au carré, en effet, réfléchit, les salopes ou les saintes, les haïes ou les chéries, mais il le fait de façon inversée, infidèle, crue et cruelle. L’écriture nous rassure, sait cracher ou caresser, tandis que la froide surface de la glace demeure de glace. Le verre vous renvoie vers hier, le cadre encadre une carrière, ici, eh oui, de décédée centenaire. Celle de Presle, un peu celle de la précitée Michèle rappelle, même mari américain et similaire, amère, désillusion hollywoodienne, ratage en partage. Elle tourna, elle itou, à

Déjà mort ? Pas encore…

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  Exils # 24 (06/03/2024) À Cathy, bien en vie Orphée le fantasmait, le cinéma l’osa : voici venu de Chine chagrine le dialogue de l’IA et de l’au-delà. L’ingénieur majeur à l’origine du prodige réside à Nankin, mais sa culpabilité intime ne renvoie vers le fameux massacre homonyme, plutôt vers la perte douce-amère de sa mère, pas assez vue, pas assez entendue, d’entre les mortes donc revenue, non le hanter mais l’écouter, avec lui de visu discuter, sinon le consoler. Au large de Shanghai, personne ne déraille, toute l'équipe multiple s'active afin de vite redonner vie aux chers – sens économique et mélancolique – défunts. Sorte de sonore motion capture désincarnée, aussi soucieuse d’aspect que de « pensée », l’opération à la con consiste à « cloner » le trépassé, davantage à dupliquer du matériel audiovisuel, à l’animer de manière numérisée, comme Disney jadis ou Miyazaki aujourd’hui donnent une âme à leurs bien nommés dessins animés. Mes sœurs, mes frères, tout se c

Furst and Furious

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  Exils # 23 (04/03/2024) Burton un brin de Batman se balance, se soucie à demi de sa « souris volante », sinon comme (Love, Prince en pince, Kim opine) symbole d’anormalité normalisée, soumise aux mondanités, Bruce l’argenté matrice d’Edward aux mains argentées ; le défilé friqué, à pognon empoisonné, à « mourir de rire », indeed , évoque davantage Les Rapaces (von Stroheim, 1924) que la conclusion à la con du capitaliste Alice ( au pays des merveilles , 2010), remémore idem le bibendum maléfique du contemporain SOS Fantômes 2 (Reitman, 1989), maousse némésis en rime. Exit donc le nihilisme à la Miller puis le psychologisme à la Nolan, même si revoilà le trauma , éternelle tarte à la crème d’un certain cinéma des USA (du chocolat à carie de Charlie, oh oui), bien sûr à dépasser, à trépasser, tel le Jack dédoublé, auquel son rire increvable et mécanique cependant survit. Tout ceci se situe in extremis , sans malice, au sommet ou sur le seuil de la « cathédrale de Gotham » – u

Amérique authentique

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  Exils # 22 (19/02/2024) Au cinéphile Franck Près de vingt ans avant le travail remarquable d’Evans & Lange, où puiseront Steinbeck & Ford ( Les Raisins de la colère , 1940), voici cinquante-cinq photographies en noir et blanc, sans colorisation à la con (honte à Time ), documentant un temps d’avant des États-Unis désunis. Il ne convient pas encore de parcourir une grande nation en proie à la Grande Dépression, il s’agit déjà d’en donner à voir, comme en un miroir, une dimension dissimulée, non assumée. Le CV en accéléré de leur auteur, ensuite éclipsé à cause de successeurs majeurs, ne se départit d’une cruelle ironie : Lewis Hine, orphelin de père, empila les emplois classés non qualifiés, étudia la sociologie (et la philosophie), l’enseigna aussi, bossa pour des organismes d’ É tat ou pas, souvent se déguisa, un peu sa vie risqua, dans la presse estampillée populaire ou à l’opposé dans l’explicite et friquée Fortune publia, selon la publicité (pas seulement la sienne)

Zone morte

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  Exils # 21 (15/02/2024) Déjà responsable de l’ arty et risible Under the Skin (2013) – le fameux et freudien « continent noir » de la sexualité féminine relooké en tache d’huile, puits de pétrole pas drôle où périssent les prédateurs devenus proies, les féministes s’en félicitent, ça va de soi –, l’austère Glazer remet le couvert, telle la servante tétanisée, maltraitée, de la maudite maisonnée. De Scarlett Johansson, autant transparente que dans l’insipide pudding du Dahlia noir (De Palma, 2006), in fine transformée en Jeanne d’Arc en forêt, aux crématoires à concevoir, améliorer, jour et nuit utiliser (la mère de la mère s’en désespère, se carapate en catimini, laisse un mot cramé illico , occupation locale oblige), puis pendant l’épilogue interpolé contemporain, sis au musée malsain, astiquer en silence et au féminin, en rime à l’hygiénisme de la funeste famille – baignoire miroir, car les os à l’eau, ça salit, la baise d’une prisonnière rousse pas farouche aussi, alors

La vie est un (men)songe

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  Exils # 20 (13/02/2024) À Catherine, comme une rime Ozawa plus ne dirigera, mais l’ami Murakami survit. Il se désirait scénariste de ciné ; le cinéma plusieurs de ses textes adapta. Dans Abandonner un chat : Souvenirs de mon père , récit biographique et traumatique, ni hagiographique ni nostalgique, sis ainsi quelque part, nul hasard, au croisement émouvant de La Harpe de Birmanie (Ichikawa, 1956) et du Vent se lève (Miyazaki, 2013), il cite au style indirect l’autobiographie de Truffaut, se souvient de séances du dimanche et fordiennes de westerns , de films de guerre en compagnie de son buvant vétéran de père, puisque les mélos mimis de Mizoguchi à lui-même minot interdit, seulement pour ses parents, Japon d’antan. En lisant l’édition à la fois graphique, anecdotique et illustrée, sur papier glacé, du titre précité, assortie des semblables de Birthday Girl , L’ É trange Bibliothèque , Sommeil , on découvre que l’écriture claire et obscure du romancier à succès fonctionne à